Santoka
jeudi 30 juin 2011
à propos du haïku
Chaud comme une caille
qu'on tient dans le creux de la main
Naissance du haï-kaï ?
Wild to sit on a haypile
writing haïkus
drinkin' wine
sans hutte ni bol
ni robe de moine
j'écris des haïkus
Like hornbeam flowers
let your poems
hang down your body
Attendu que ...
la lettre de l'avocat
n'est pas un poème
nouveau stylo
une cartouche de haïkus
dans le réservoir
Tapoter son stylo
pour en faire sortir
un très vieux haïku
le sol est encore bien dur
le jardinier réduit
à écrire des poèmes
ticket de bus
juste assez de place
pour un haïku
Sur du papier à pharmacie
je jette des poèmes
Nuit glacée
vieillissant
davantage de haïku
davantage de bouillon de navet
écrier
"toujours être ailleurs" :
c'était bien avant
le haïku
"ah, c'est juste ça ?"
dit-il, lisant un haïku.
"oui. C'est juste ça."
écrire un haïku ?
sur un raccourci
muser
pendant qu'il clouait
les poutres d'une charpente
- j'écrivais un mot
magnolias en fleurs -
pourrais-je
ne pas écrire ?
quelle chaleur !
son carnet de haïku
attire les mouches
Jour des Défunts.
lisant des poèmes de mort
je trouve de la douceur
à la pluie d'automne
aussi.
seule la bougie
silencieusement danse
au son de ma plume
sur la page froide
la main ne se repose pas
longue soirée d'automne ...
à demi nu
dans l'air froid du salon
- haïku de minuit
Madame Gravelle.
La calebasse toujours pleine
de poèmes
*
poète
un peu un métier inverse
à celui du maçon
*
sur la page blanche
à l'encre noire
un monde en couleur
*
crier + encrier = écrire
*
et un poème :
La croix
« J'ai voulu vivre dans le pays où tu es, où les frontières sont abolies, mais toujours, je t'ai entendu ne rien me dire. Et j'ai alors préféré la mort à la vie. A cause de la vie. Comme si la mort était le pays où tu vivais, où tu ne mourrais plus. Comme si même la mort mourait. »
Sur la page 202 du Besoin de poème d'Yvon Le Men, un lecteur m'a précédé. Il a tracé devant ces lignes deux traits profonds au crayon de papier. Et, comme si cela ne suffisait pas à crier son cœur, il a placé, à la gauche de ces traits, une croix. Son exclamation muette. Sa confidence au livre. Sa résolution.
X
La croix disait « Je me suis arrêté là. J'ai souffert cette souffrance. Ce texte, c'est ma voix. Ces mots, ce sont mes larmes. Merci. »
X
Cette croix. Une déclaration de mort, gravée dans la chair du livre. Une promesse à son amour perdu. Comme autrefois peut être leurs cœurs entrelacés sur un tronc quelque part.
X
Cette croix. Une signature en bas de vie. La signature d'un vivant qui n' avait plus de mots. La signature d'un homme qui n'avait plus de nom.
Qu'est il advenu de ce lecteur, de cet amant, de de veuf, de ce pauvre cœur muet ? Et où est-il à présent ?
sans doute dans ce pays
au pays des frontières abolies
là où elle vit
et ne mourra plus.
Vincent Hoarau
La Mort du poète
La mort du poète ne laissa nulle trace
Sur les feuilles mortes de l’histoire
Et il disparut corps et lettres
A l’horizon du septième ciel.
Nul n’eut plus le loisir
De lire ses moindres mots
De parcourir la justesse de sa vie
Ni de déceler le souvenir
D’un pauvre parcours de rien.
La mort du poète ne laissa pas de rimes
Il n’en utilisait pas il ne les aimait pas
Son vers chantait faux et sa barbe
Brisait les mélodies d’un coup du sort.
Il voulut une épitaphe
A mettre sur ses cendres
« L’homme de rien retourne au rien »
Tout s’envola dans le vent de la mer.
Et il disparut corps et bien.
La mort du poète ne laissa nulle trace
Sur le cristal des roches en mouvement
Qui courait plus vite que son ombre
Et il disparut corps et corps.
Seul le souffle d’un miroir en mal
De reconnaissance
Tenta un temps de garder
La silhouette de ses amours
Qui s’estompait dans la garrigue
La mort du poète ne laissa pas de strie
Ni de noctiluques si lumineuses
A la surface de l’avenir de l’homme
Nulles traces qu’un jour
Un chercheur du passé
Puisse ressusciter
Sous la férule du soleil d’alors.
La mort du poète ne laissa nulle trace
Dans la fulgurance des orages.
La Mort du poète, Jean-Pierre Lesieur
mercredi 29 juin 2011
nouvelle vague
le froid de l'océan
à cet autre monde
je m'acclimate
de la terre je m'éloigne
en sautillant
la mer bombe le torse
ouvre la bouche
et m'engloutit
plonger dans l'océan
comme un saut
dans l'espace
juste un instant
cette angoisse froide
après le plongeon
parfois sur mes pieds
glisse un courant froid
comme un serpent
vagues scintillantes
une nage
comme un fou rire
qu'essaie-t-il de prouver
à lutter ainsi
contre les vagues ?
la première nage
folle et rageuse
comme une évasion
ressortir de l'eau
enveloppé de fraicheur
et de lumière
et par l'océan vaincu
l'homme revient rampant
sur sa serviette
essoufflé
le bruit régulier de la mer
me séchant, j'écoute
frais,
reniflant,
essoufflé,
en paix,
je contemple l'océan
séchant au soleil
je cale ma respiration
sur celle de la mer
chuchotement des vagues ...
les caresses de grand-mère
dans mes cheveux
bain de mer
bain de soleil, bain de mer
bain de soleil ...
haïku de l'océan
réveillé, en nage
le murmure de l'océan
autour de sa tente
là où le bleu de la mer
est sans limite
la plage autour de l'ile
et, plus loin
l'océan
Ilots fracassés
Par millier dans l'océan
Paisible de l'été
adosssé à la montagne
les pieds dans l'océan
lisant
dans le creux de l'oreille
un coquillage
me parle de toute la mer
premier plongeon
l'océan
me nettoie les os
ce coeur qui réclame ceci ou cela
dans la mer
je relâche
je suis en train de nager
vers le large
toute la journée
sans un mot
le bruit des vagues
la mer
respire
de toutes ses marées
dann toute bann bransh filao
la mer i shante
dans les branches des filaos
la mer chante
Seul face à l'océan
Dire bonjour à ceux qui se croient seul
De l'autre côté de l'océan
we watch the ocean
come and go
longue journée ;
mes yeux sont fatigués
de regarder la mer
l'écume de l'eau
n'a jamais été aussi belle
heure du départ
l'appeler pour partager
l'océan
phoning her to share
the ocean
Quand je l'ai enlevée au sable
De la plage étincelante
When I took it from the sand
Of the gleaming beach
l'ourlet des vagues blanches
la plage désertée
une autre gorgée de rhum
et la mer qui s'enflamme !
S'engouffre
L'océan
dans la baie de Suma
les vagues pour oreiller
au bruit des vagues
trempé
dans l'obscurité
Au fond des flots
Repose une perle blanche.
Le vent peut souffler
La mer devenir furieuse
Je n'aurais de cesse que je l'ais prise.
La mer, le soir
Dans le silence
Le bateau dort,
Et bord sur bord
Il se balance
Seul à l'avant
Un petit mousse
D'une voix douce
Siffle le vent
Au couchant pâle
Et violet
Flotte un reflet
Dernier d'opale.
Sur le flots verts,
Par la soirée
Rose et moirée
Déjà couverts
Sa lueur joue
Comme un baiser
Vient se poser
Sur une joue
Puis brusquement,
Il fuit, s'efface
Et sur la face
Du firmament
Dans l'ombre claire,
On ne voit plus
Que le reflux
Crépusculaire
Les flots déteints
Ont sous la brise
La couleur grise
Des vieux étains.
Alors la veuve
Aux noirs cheveux
Se dit : - je veux
Faire l'épreuve
De mes écrins
Dans cette glace.
Et la nuit place
Parmi ses crins,
Sous ses longs voiles
Aux plis dormants
Les diamants
De ses étoiles.
La mer, le soir, Jean Richepin
mardi 28 juin 2011
sables
le sable éblouissant
et les cris des enfants
le sable est bouillant
sous la plante des pieds
le pied fouille le sable
pour un peu de fraîcheur
les grains de sable s'infiltrent
dans la mie du sandwich
deux ovales de sable
sur les fesses du bébé
trois grains de sable noir
entre ses grains de beauté
bain de pied -
l'ombre oscillante de l'eau
sur le sable clair
Henri-Edmond Cross - Les îles d'or
des montagnes nouvelles
sur le sable
le lent mouvement de la mer
entre mes orteils
obstinément le sable colle
à la plante des pieds
le sable et le sel chassés
par l'eau de la douche
les vagues laissent sur le sable
mille éclats de lumière ...
mes amis repartis
mon sourire s'attarde un peu
solitude
le sable glisse entre mes doigts
encore et encore
au bout de la plage blanche
un grand trou noir
sable
Sable, sable, sable -
une dune
dans ma chaussure
*
l'ombre d'une mouette
surfe sur le sable
*
sable chaud -
compléter le sourire avec
des coquillages blancs
*
sandcastle -
everybody smiling
for the shot
*
tassant un tunnel de sable
la marée monte
tapping a sand tunnel
the tide is rising
Shigejo Ogami
*
parure estivale
quelques grains se sable brillent
au creux de ses seins
*
chaleur soudaine
du sable
jusque dans les draps
*
pieds nus
sur le sable encore chaud
du crépuscule
*
"le monde est foutu"
dit-il - et il plonge son tison
dans le sable
Sable
lundi 27 juin 2011
En prison
les nuages prennent de l'importance
et les oiseaux
the clouds become important
and the birds
Dennis Brutus
Quittant la prison
personne au portail
le rossignol
nobody at the gate
nightingale
les barbelés sont hauts
les lumières des baraquements
s'éteignent, une à une
the lights in the prison barracks
flick off, one by one
Etheridge Knight
La tour de garde est
brille dans le couchant; les détenus
comme des lézards sur les rochers
glints in sunset ; convicts rest
like lizards on rocks
Etheridge Knight
Dans mes vêtements de prison
aux manches trop courtes
j'ai l'air innocent
with their too short sleeves
I look innocent
Hashimoto Mudô
Emergeant de sa prison
leur dragon notre papillon
Si large son sourire
Their dragon our butterfly
His smile is so huge
Kalamu Ya Salaam, à propos de Nelson Mandela
cette geôle noire
avec ses barreaux couverts de neige
c'est la mienne
with its snow-covered barrels
it is mine
Vincent Hoarau (d'après un poème d'Aimé Césaire)
de ma geôle
les cerisiers
en fleurs
the cherry tree
in bloom
Santoka
Rue Jean Dolent
Rue Jean Dolent par un beau soir de printemps
alors que dans le ciel pu le chiffon du crépuscule
frotte l'étain d'une lune presque pleine
les fenêtres des cellules sont éclairées
au dernier étage de la prison de la Santé
et les cris des martinets attisent peut être
(mais je le pense sans être à leur place)
le douloureux attrait du dehors chez les prisonniers
et d'un façon sans doute bien plus lancinante
qu'une télévision puisque de le bouillie sonore
s'échappe aussi d'une autre cellule plus basse.
La télévision propose une autre évasion
que la rugueuse réalité des martinets
mais c'est difficile à dire, à écrire,
ce que font peut être leurs cris stridents
quand la lumière s'allume dans la cellule
et que dehors il fait encore jour,
ces appels de tous les coins de l'espace
quand la distance qui ne peut être comblée
pointe le mauvais côté de la lorgnette
sur le point le plus aigu de la prison.
Les martinets mais tout aussi bien j'imagine,
une portière qui claque dans la rue,
le pensent-ils : « quelqu'un qui rentre chez soi »,
ou bien « quelqu'un qui sort et qui s'en va »,
le pensent-ils ? - du fond de leur cellule ?
Une portière qui claque dans la rue
ou encore des bruits de voix sur le trottoir
ou peut être des cris d'enfants qui passent
(rue Jean Dolent, il y a une école maternelle).
Ce doit être terrible, le dehors qui soudain cogne.
(...)
Jacques Lèbre, rue Jean Dolent, in Po&sie 122-123
dimanche 26 juin 2011
les vieux
samedi matin -
reprise des hostilités
les mamies du marché
*
getting on in years
out of breath only
after brushing his teeth
*
giboulées -
la vieille
toujours aussi sèche
*
Doté d'oreilles
qui n'entendent plus,
je vieillis
*
pas foutu
de faire passer le fil dans l'aiguille,
je regarde le ciel bleu
*
Vieillissant -
davantage de haïku
davantage de bouillon de navet
*
Nonagénaire,
j'attends le printemps,
ignorant le dernier chiffre de mon âge
*
j'ai oublié ma date de naissance.
Dans le vent,
mes chaussettes sèchent
*
tiens
je viens de perdre
une dent
*
la lune s'est voilée
les nuages annoncent la pluie
mes vieux os aussi
*
déjà mûre
beaucoup trop mûre
personne pour me ramasser
*
sous le menton
quatre nouveaux poils
toujours à épiler
*
son dentier
sur la table
elle sourit
*
Vue de dos
la vieille bossue
a perdu la tête
*
1871 (Emmanuel Brouillard)
qu'elle détesta séance tenante
elle mit sa p'tite laine
se mit d'vantVerlaine
et fit sa grande dégoûtante
Emmanuel Brouillard, Trois claques à Balzac
samedi 25 juin 2011
un jour mon prince viendra ...
*
ma cendrillon
vingt minutes avant la pièce
cherchant ses chaussures
twenty minutes before the play
looking for her shoes
une scène
(La première voix est posée, polie, maniérée et prétentieuse; l’autre est rauque, méchante et dure.)
- Je suis ravi de vous voir
bel enfant vêtu de noir.
- Je ne suis pas un enfant
je suis un gros éléphant.
- Quelle est cette femme exquise
qui savoure des cerises?
- C’est un marchand de charbon
qui s’achète du savon.
- Ah! que j’aime entendre à l’aube
roucouler cette colombe!
- C’est un ivrogne qui boit
dans sa chambre sous le toit.
- Mets ta main dans ma main tendre
je t’aime ô ma fiancée!
- Je n’suis point vot’ fiancée
je suis vieille et j’suis pressée
laissez-moi passer!
Jean Tardieu
Théââââtre !
(sur le pas de la porte, avec bonhomie.)
Comment ça va sur la terre?
- Ça va ça va, ça va bien.
Les petits chiens sont-ils prospères?
- Mon Dieu oui merci bien.
Et les nuages?
- Ça flotte.
Et les volcans?
- Ça mijote.
Et les fleuves?
- Ça s'écoule.
Et le temps?
- Ça se déroule.
Et votre âme?
- Elle est malade
le printemps était trop vert
elle a mangé trop de salade.
Jean Tardieu, Monsieur Monsieur
vendredi 24 juin 2011
la croix
« J'ai voulu vivre dans le pays où tu es, où les frontières sont abolies, mais toujours, je t'ai entendu ne rien me dire. Et j'ai alors préféré la mort à la vie. A cause de la vie. Comme si la mort était le pays où tu vivais, où tu ne mourrais plus. Comme si même la mort mourait. »
Sur la page 202 du Besoin de poème d'Yvon Le Men, un lecteur m'a précédé. Il a tracé devant ces lignes deux traits profonds au crayon de papier. Et, comme si cela ne suffisait pas à crier son cœur, il a placé, à la gauche de ces traits, une croix. Son exclamation muette. Sa confidence au livre. Sa résolution.
La croix disait « Je me suis arrêté là. J'ai souffert cette souffrance. Ce texte, c'est ma voix. Ces mots, ce sont mes larmes. Merci. »
Cette croix. Une déclaration de mort, gravée dans la chair du livre. Une promesse à son amour perdu. Comme autrefois peut être leurs cœurs entrelacés sur un tronc quelque part.
Cette croix. Une signature en bas de vie. La signature d'un vivant qui n' avait plus de mots. La signature d'un homme qui n'avait plus de nom.
Qu'est il advenu de ce lecteur, de cet amant, de de veuf, de ce pauvre cœur muet ? Et où est-il à présent ?
sans doute dans ce pays
au pays des frontières abolies
là où elle vit
et ne mourra plus.
Vincent Hoarau
jeudi 23 juin 2011
imagine (ébauche)
Buvant seul sous la lune
si tu as besoin de neige ...
*
*
du vin et du richepin
Allons ! donne l’avoine à mon gosier fourbu.
Du vin ! nous faut du vin ! Je veux que mon haleine
Suffise pour soûler ceux qui n’auront pas bu.
Je veux qu’en me voyant le Panthéon recule,
Craignant d’être écrasé par mon choc, et je veux
Faire ce soir le jour après le crépuscule,
Grâce au soleil dont les rayons sont mes cheveux.
Tiens ! Prenons l’omnibus, tout couvert de gens ternes
Qui par mon flamboiement vont être illuminés.
Le vieux cocher, prenant mes yeux pour ses lanternes,
Allumera sa pipe aux braises de mon nez..
Nous irons. Telle va la comète qui luit !
Chez le mastroquet gras qui vend des attignoles
Nous boirons du vin doux qui fait pisser la nuit.
Nous pisserons, très beaux, très heureux et très dignes,
Nous appuyant du front au mur éclaboussé,
Et les Batignollais verront un jour des vignes
Fleurir du mur où nous aurons pissé.
..
Jean Richepin, Chanson des Gueux
colère noire (tanka)
accumulés tout le jour
les pleurs du bébé -
le ciel aussi libère
une colère noire.
*
Marine
*
Palpite sous l’œil
De la lune en deuil
Et palpite encore,
Tandis qu’un éclair
Brutal et sinistre
Fend le ciel de bistre
D’un long zigzag clair,
Et que chaque lame
En bonds convulsifs
Le long des récifs
Va, vient, luit et clame,
Et qu’au firmament,
Où l’ouragan erre,
Rugit le tonnerre
Formidablement.
Marine, Paul Verlaine, Poèmes saturniens