"A tous les visiteurs, si vous apportez avec vous votre mets favori, salé ou sucré, si vous savez chanter ou danser sans retenue avec la légèreté du vent printanier et de la rivière en automne,si vous n'affichez pas un air suffisant ou affligé,alors nous partagerons la plus grande joie"



Santoka




lundi 18 juillet 2011

tiédeur d'une nuit d'été


Couchée seule dans une chambre obscure
tiédeur d'une nuit d'été
flotte entre quatre murs

Fenêtre ouverte sur cour immobile
une femme gémit au loin
et son désir me parvient

par vagues

Dans le silence profond des secondes
monte monte
seul mot du monde
viens viens viens

Seule couché murs écartés
tiédeur d'une nuit d'été
couchée sur un océan obscur

Une femme jouit au loin
et le plaisir éclate
comme une grenade bien mûre



Azadée Nichapour, Parfois la beauté

Peinture : Kawase Hasui (Nonomiya Shrine, Kyoto)

loin de moi

*




Bientôt, je serai dans le ventre d'un de ces grands poissons qui traversent le ciel, menant grand bruit et fumée blanche. Je me verrai, pitoyable insecte courant sur la terre, effrayé par l'ombre du jardinier. Je ne me verrai pas. Je serais loin de moi.

Je volerai.



Jean Claude Martin, Ciels de miel et d'orties




*

nuages en lambeaux

*















nuages en lambeaux -
au bord de l'autoroute
un chaton inerte















*

longue journée immobile

*

















longue journée immobile
qui ne perdit pas même
une aiguille de pin

















*

haïkus étouffés


Wang Guangyi

béton armé

*














une pousse pâle -
partout autour
le béton armé

Vincent Hoarau














Résidence les Acacias ?
du béton, de l'acier
et un parking autour

Vincent Hoarau















le nouveau pont
dans un paysage de bleu
béton et ferraille

Amel Hamdi Smaoui















ville grise
un coin de ciel bleu
peint à la craie

Dominique Chipot















new skyscraper
erasing another piece
of my summer sky

Michi Umeda















retour du printemps
les grues s'animent à nouveau
entre les tours

Vincent Hoarau















là-bas
le néon des villes
éteint les étoiles

Marlène Alexa















mon coin de verdure
de plus en plus de détritus
à ramasser

Vincent Hoarau















gratte-ciels dressés
comme des tombes dans
le crachin

Michi Umeda















Je me range dans
le foule des hommes grossiers
puant la sueur

Shizunojo Takeshita















le rapace
en cercles au dessus
des HLM

Dominique Champollion















A force d'avoir serré ses maisons
Le faubourg s'est mis
En accordéon

Julien Vocance















déjà deux étages
à la place du jardin
des voisins

Marlène Alexa















Les autoroutes de Tokyo
ressemblent à des intestins
sous la pleine lune

Sei Imai















à l'ombre de l'usine
les mains abandonnées
un songe d'océan

Géraldine (?)















Au milieu des champs
l'odeur de peinture
de l'usine d'automobiles

Gilles Guilleron















Moteur en marche
devant le magasin bio
le gros 4x4

André Cayrel














toute la famille
sort du 4x4
marché de Noël

Vincent Hoarau














pluie sur l'autoroute
les 4x4 crachent
sur l'herbe du talus

Vincent Hoarau














jeune tilleul esseulé
dans la cour de l'usine
où nul de travaille plus

Roland Tixier














repos dominical
sa pelouse bien tondue
sa voiture bien propre

Vincent Hoarau















à deux pas
de l'hôpital décrépi
une banque neuve

Vincent Hoarau















au pied de la banque
entassés
les feuilles mortes

Vincent Hoarau















dans l'ombre froide
d'une vieille cathédrale
un petit minaret

Vincent Hoarau















Zone Artisanale -
le violoniste au carrefour
qui l'écoute ?

Vincent Hoarau















aube froide
les portes du métro
s'ouvrent aux fantômes

Vincent Hoarau















sur le quai du métro
quelques gouttes de sang
aube blême

Vincent Hoarau















touffeur du soir -
le vieux Noir du parc
choisit son banc

Vincent Hoarau















devant les mains tendues
du mendiant au carrefour
les essuie-glace

Vincent Hoarau















premières lueurs de l'aube
la neige bleutée
qu'ils souilleront bientôt

Vincent Hoarau















aube sous les palmiers
les yeux mi-clos des travailleurs
à l'arrêt de bus

Vincent Hoarau















banlieue
sur les tours il règne en maître
le corbeau

Vincent Hoarau















"bienvenue"
dit toujours le paillasson
jeté à la décharge

Thierry Cazals















Assise dans l'herbe et les fleurs
je me demande combien de temps
cela pourrait durer

Alicia














*

comment te sens-tu

"Comment te sens-tu de haïr ta ville
de voir en ta patrie une étrangère
qui te met la corde au cou
pour te pendre, comment te sens-tu
de haïr les gens qui l'habitent, les visages
misérables qui passent, les âmes
enragées, s'adonnant à la chasse
au gain illicite, immoral ? Comment
te sens-tu de haïr tes jours, et le temps
assassiné qui part dans le monstrueux
décor dressé autour de toi ?
Comment te sens-tu de te croire mort
ou mutilé, étranger aux affaires communes
incapable de rien faire, comment te sens-tu
de vouloir échapper à ta ville ?"

Mots trouvés sur un papier trempé
dans la poche revolver du noyé
tiré du fleuve profond
d'une ville étrangère. On ne savait pas
qui c'était, s'il s'agissait d'un crime
ou d'un suicide. On ne le sut que plus tard:
c'était un poète d'un pays qui souffre.

Ville marâtre, Michalis Pieris