Rue Jean Dolent par un beau soir de printemps
alors que dans le ciel pu le chiffon du crépuscule
frotte l'étain d'une lune presque pleine
les fenêtres des cellules sont éclairées
au dernier étage de la prison de la Santé
et les cris des martinets attisent peut être
(mais je le pense sans être à leur place)
le douloureux attrait du dehors chez les prisonniers
et d'un façon sans doute bien plus lancinante
qu'une télévision puisque de le bouillie sonore
s'échappe aussi d'une autre cellule plus basse.
La télévision propose une autre évasion
que la rugueuse réalité des martinets
mais c'est difficile à dire, à écrire,
ce que font peut être leurs cris stridents
quand la lumière s'allume dans la cellule
et que dehors il fait encore jour,
ces appels de tous les coins de l'espace
quand la distance qui ne peut être comblée
pointe le mauvais côté de la lorgnette
sur le point le plus aigu de la prison.
Les martinets mais tout aussi bien j'imagine,
une portière qui claque dans la rue,
le pensent-ils : « quelqu'un qui rentre chez soi »,
ou bien « quelqu'un qui sort et qui s'en va »,
le pensent-ils ? - du fond de leur cellule ?
Une portière qui claque dans la rue
ou encore des bruits de voix sur le trottoir
ou peut être des cris d'enfants qui passent
(rue Jean Dolent, il y a une école maternelle).
Ce doit être terrible, le dehors qui soudain cogne.
(...)
Jacques Lèbre, rue Jean Dolent, in Po&sie 122-123
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