Hors saison
Le savez-vous, ici
les touristes partis,
on éteint les lumières.
On range,
on remballe,
on passe le balai,
on ramasse les tessons de l'été,
on replie les chaises longues,
on ferme les magasins de souvenirs,
on passe les vitrines au blanc-de-Chine,
on abaisse les rideaux de fer,
on coupe le chauffage,
on branche l'ennui.
on chasse les cirques ambulants
on mitraille les oiseaux
(sauf bien sûr les corbeaux et les mouettes qui savent si bien déchirer les cœurs)
on enferme les enfants
on replie les voiliers, les parasols, les palmiers
on crève les bouées
on remet leurs chaines aux plages
on enroule la mer
et on éteint les étoiles
au plafonnier.
Bientôt il ne reste plus
que le bar des soirs d'hiver
ce bar
où l'on boira des néons bleus liquides
et de la tristesse froide.
On croisera quelque matin
notre spectre égaré
sur la Promenade
(l'Errance, devrait-on dire)
et on longera longuement des plages grises,
de pauvres plages en papier mâché
abandonnées aux algues brunes
échevelées comme de vieilles démentes.
Peu après quand tombera la nuit
les résidences blêmes
nous regarderons passer
de leurs yeux morts
pleurant la rouille
vers le bar
ce bar
où l'on boira des néons bleus liquides
et de la tristesse froide.
Vincent Hoarau
3 commentaires:
Je serais heureux de venir boire un verre de néon bleuet de trinquer à la mélancolie dans ce bar improbable sur cette île de tristesse ...
laurent
J'aime vraiment beaucoup, Vincent. Je lis et relis ton texte depuis de longues minutes. Et là... ça fait dix fois que j'écris et que j'efface... n'arrivant pas à trouver les mots qui pourraient traduire mes pensées.
Bravo.
Puis-je le diffuser à quelques amis?
Robert.
Merci, Robert, ça me touche beaucoup. Tu peux le diffuser, oui, si tu veux. A bientôt. Le prochain kukaï, je pense.
vincent
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