"A tous les visiteurs, si vous apportez avec vous votre mets favori, salé ou sucré, si vous savez chanter ou danser sans retenue avec la légèreté du vent printanier et de la rivière en automne,si vous n'affichez pas un air suffisant ou affligé,alors nous partagerons la plus grande joie"



Santoka




mardi 19 juillet 2011

Ciels de miel et d'ortie


Cinq poèmes tirés de Ciels de miel et d'orties, de Jean-Claude Martin.




Pas assez beau pour vivre ce matin. Pour mourir non plus ... Des trous bleus dans les nuages comme ceux que les esquimaux font dans la glace pour pêcher du poisson. Sommes nous les poissons ? Les pêcheurs ? Et quelle prise pouvons nous espérer ? ... Un jour stupide et lisse nous attend. Un de ceux dont on se demandera ce soir pourquoi toutes ces heures on a fermé les yeux.







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Un ciel en équilibre. Entre l'effroi et la colère. Avec des lueurs bleues dans les yeux. Des sourcils noirs de doute. Son souffle est court et fétide comme celui d'un animal en inquiétude. On le sent accablé de secrets trop lourds, de désirs trop grands pour lui. Peut être ne prendra-t-il aucune décision ce soir encore ? Mais nous en avons assez de n'être rien dans son chagrin ou sa terreur, et qu'il nous noie de ses humeurs sans même savoir qu'on existe ...







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Trop tard. Le crime avait déjà eu lieu. Des bandes de ciel déchiré traînaient sur l'horizon. Des zébrures de poignard rageur. Une immense tache de sang. On venait de faire disparaître le cadavre. Tout sentait encore sa présence : une certaine chaleur, un reste de lumière rose. L'assassin avait de puissants complices : une obscurité tenace commençait de brouiller les pistes, d'effacer les souvenirs. Qui avait intérêt à faire déjà la nuit ? Le plus terrible était de sentir combien tout cela nous dépassait ...







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Parfois le soleil s'allume vers cinq heures. Vieux briquet dont on pensait qu'il ne marchait plus. Flamme pâle. Qui n'éclaire qu'elle même. L’œil d'un dormeur qui s'entrouvre ... et retourne à ses songes. Nous aussi, on se dorlote de brouillard. Malheur à celui qui fait un geste le premier ! La vie est douce quand elle n'existe pas ...







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et celui-ci que j'ai trouvé très émouvant :






Il a de plus en plus de peine à dépasser les arbres. Vieillesse ? Lassitude ? C'est parce que les hommes ont fait un trou dans la forêt qu'on le voit encore. Un dieu qu'on peut regarder sans baisser les yeux est-il encore un dieu ? J'aime son humanité. Il ne nous protège plus, mais ne nous remplit pas d'effroi. Il ne nous réchauffe plus, mais nous est proche. Ne l'humilions pas avec nos feux, nos lampes, nos manteaux. Quand il vient, je l'écoute en silence et ma peine comme le brouillard s'efface peu à peu. Je le serre dans mes bras et c'est moi qui lui donne la lumière qu'il lui faut pour mourir.







Jean-Claude Martin

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