"A tous les visiteurs, si vous apportez avec vous votre mets favori, salé ou sucré, si vous savez chanter ou danser sans retenue avec la légèreté du vent printanier et de la rivière en automne,si vous n'affichez pas un air suffisant ou affligé,alors nous partagerons la plus grande joie"



Santoka




dimanche 12 juin 2011

Cigale !

Cigale !
O bienheureuse
Qui sur un lit de terre,
Meurs ivre de lumière

Les guérets t’ont appris
Le secret de la vie.
Et la fable de la fée
Qui entendait naître l’herbe
En toi restée conservée.

Cigale !
O bienheureuse !
Tu expires dans le sang
D’un cœur envahi d’azur
Le jour est Dieu qui descend
Et le soleil,
La brèche par où il passe.

Cigale !
O bienheureuse
Tu sens dans ton agonie
Tout le poids de l'azur.

Tous les vivants qui passent
Par les portes de la Mort
Avancent la tête basse,
L'air absent et endormi
Parlant avec des pensées.
Sans bruit...
Tristement
Recouvert du silence
Qui est le voile de la mort.

Mais toi, cigale enchantée,
Tu disparais en chantant,
Transfigurée en musique
Et en céleste lumière.

Cigale !
O bienheureuse !
Toi qu'enveloppe le voile
Même de l'Esprit Saint
Qui est lumière.

Cigale!
Étoile sonore
Sur la campagne endormie,
Vieille amie des grenouilles
Et des obscurs grillons,
Tu as des sépulcres d'or
Dans les frémissants rayons
Du soleil qui te caresse
Au plus brûlant de l'été
Et le soleil prend ton âme
Pour la muer en lumière.

Que mon cœur soit la cigale
De ces campagnes divines.
Que je meure en un long chant
Blessé par le ciel limpide
Et lorsque j'expirerai
Une femme que j'espère
Le répandra de ses mains
Dans la poussière.

Que mon sang dans la campagne
Fasse un limon doux et rose
Où viendront planter leurs pioches
Les paysans harassés.

Cigale !
Ô bienheureuse
Une épée invisible t'effleure
Dans le bleu.


Federico Garcia Lorca, Poésies

1 commentaire:

Lp a dit…

Très beau ce poème de Lorca .merci