La capacité à profiter des "joies modestes de l'existence" va désormais profondément de pair avec une conduite mesurée ; en effet, les qualités que cette faculté présuppose, et que chacun possède à l'origine, tendent largement à s'étioler et à disparaître dans la vie quotidienne d'aujourd'hui, je pense ici à la gaîté, à l'amour et à la poésie. Ces joies modestes qui s'offrent notamment aux gens pauvres sont tellement disséminées dans la vie de tous les jours, tellement discrètes et multiples qu'elles touchent à peine la sensibilité apathique de la majorité des hommes occupés à travailler ; elles ne sont pas spectaculaires, personne ne vante leurs mérites et elles ne coûtent rien !
Au premier rang viennent celles que nous dévoile un contact quotidien avec la nature. Plus que tous nos autres organes, nos yeux maltraités et surmenés d'hommes modernes peuvent manifester une capacité inépuisable de jouissance si nous le voulons. (...) Quiconque a fait le premier pas peut apercevoir sur sa route des choses délicieuses, sans perdre une minute de son temps. Discerner ainsi ce qui nous entoure n'a rien de fatiguant ; au contraire, celà revigore et raffraîchit le regard mais aussi tout le reste . Toute chose, même si elle est inintéressante et laide, exprime une signification qu'il faut simplement avoir la volonté de distinguer.
Lorsqu'on apprend à voir, on redécouvre la gaîté, l'amour et la poésie. (...)
Hermann Hesse
"L'Art de l'oisiveté"
"L'Art de l'oisiveté"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire