"A tous les visiteurs, si vous apportez avec vous votre mets favori, salé ou sucré, si vous savez chanter ou danser sans retenue avec la légèreté du vent printanier et de la rivière en automne,si vous n'affichez pas un air suffisant ou affligé,alors nous partagerons la plus grande joie"



Santoka




samedi 9 juillet 2011

dans les bateaux






nous sommes tous des nomades
conclue-t-il
les yeux pleins de larmes

Philippe Quinta

















au dos de la lettre
son adresse :
Quartier Abandonné

Vincent Hoarau (d'après un poème d'Aimé Césaire)

















Aujourd'hui je mets
mes habits d'été et m'en vais
vers un monde encore inconnu

Mishikaze

















la misère et l'espoir
dans les sacs immenses
des migrants

André Cayrel

















noyés par milliers
les clandestins dans les journaux
ne font pas de vagues

Vincent Hoarau

















flux migratoires -
leurs clandestins ?
des naufragés.

Vincent Hoarau

















déferlement de rage
vague après vague après vague
sur leur frêle esquif

Vincent Hoarau

















"toute la misère du monde" ...
et bien oui, je l'accueillerai
à bras ouverts !

Vincent Hoarau

















un pauvre Libyen
par un pauvre Tunisien
accueilli

Vincent Hoarau

















de l'autre côté
de la Méditerranée
une main tendue

Vincent Hoarau















*


"Après tout, remettons-les dans les bateaux !"


(Chantal Brunel, députée UMP, 8 mars 2011)

Cavatines

Alfred William Finch - The Channel at Nieuport


Là-bas, un jour, sur l'bord d'la mer,

j'irai danser des cavatines

et lire mes vers d'un autre monde.

Sur l'bord d'la mer avec le vent,

la mouette et l'onde,

avec le temps girouette du monde,

je m'en irai et chanterai sur l'bord du vent.

Et j'partirai sur une clef d'sol

entre les lignes de tes remous.

J'piquerai mes notes dans l'sable fin,

et des châteaux de triolets,

des crescendos de coquillages,

absurdités je n'y peux rien.

Mais j'partirai en staccato

sous mes airs pianissimo.

Oui j'partirai, tu peux me suivre.

À deux c'est mieux pour faire des rimes.


Flora DELALANDE

Que désire la poitrine de bronze ?

Ivan Konstantinovich Aivazovsky - Bracing The Waves



Maison près de la mer



Que désire la poitrine de bronze
la mer enfourchant son beau coursier ?
Je ne veux pas que les rues soient aussi courtes
Je les veux profondes et pudiques
longues et séduisantes
comme des entrailles éparpillées au vent
Je veux seulement
juste pour un moment
caresser la blanche écume avec mon oqal
alors que j'appareille quelque part
sous une pluie maussade
voir mon pays affamé
s'éloigner de moi
fleur après fleur, arbre après arbre
voir la pauvreté, le nationalisme et l'égalité
des hublots du bateau
pendant que des oiseaux d'eau nonchalants
pondent sur mon chapeau
et allument ma cigarette tordue par le vent
Je ne veux ni d'un père agitant vers moi sa cape
ni d'une amante croassant comme un corbeau
Je veux partir ainsi
démuni et paresseux
Chaque année, je ferai un pas
et pour chaque génération, j'écrirai un mot


Il est temps
de déchirer quelque chose
violemment appareiller sous une pluie maussade
pas comme un aventurier
enveloppé d'une trombe de valises et de fleurs
mais comme un ignoble rat
aux yeux larmoyants
qui se réveille effrayé
chaque fois qu'un bateau hurle
et que ses lanternes s'allument
tels les yeux mouillés des hyènes


O trottoirs magnifiques d'Europe
pierres couchées depuis des millénaires
sous les manteaux et la tête des parapluies
y a-t-il un petit nid
pour un bédouin d'Orient
portant son histoire sur le dos, tel un bûcheron ?


Non ...
je n'émigrerai pas sous les étoiles
je ne foulerai pas tes vagues pures avec mes souliers
Je resterai à l'arrière du bateau
pour ronger son bois comme de la chair
Je traverserai tes vagues l'une après l'autre sur le bout des ongles.


Je construirai des nids sinueux entre les vagues
aussi profonds et sinueux que des ruelles
Je me protégerai des tempêtes
et des rugissements du vent
Avec les vagues antiques, je me ferai un oreiller
Je dormirai tout habillé, avec mes chaussures et mes cahiers
jusqu'au matin


J'ouvrirai des larges routes pour l'errance
en bordure desquelles je planterai
des arbres et des sièges vides
Je chercherai un petit poisson
aux yeux de miel
Je chercherai tes seins avec mes doigts
et je l'épouserai
à la lueur de la lune et du brasier des boucheries
Je lui arrangerai avec les veines de l'eau une longue chevelure
une poitrine aux seins arrondis
avec les yeux des anciens marins
J'écrirai pour lui des poèmes
et nous nous promènerons dans les profondeurs de la mer splendide
comme des amoureux se promènent das les marchés
Et sous les nuages bleus des marronniers
parmi les hurlements des nègres
le crissement des seins sauvages
alors que la mer me fait ses adieux, toussant et respirant
comme un fumeur invétéré
je plongerai avec mes écailles vers les îles et les jungles
où les larmes des aigles s'amoncellent ainsi que du limon
et les paroles fauves
pendent des arbres comme des figues
Je ne m'ennuierai pas là-bas
à me pavaner comme un paon
dans les chambres des braises ardentes
où ma sueur coule sur les valises
et les tresses des voyageuses
dont je porte les enfants à l'entrée des îles
presse les petits seins de mes épaules et de mon dos
soulevant mes cahiers rustiques comme une épée scintillante
à la face du monde entier
La nuit venue
quand les vagues sont des tombes obscurcies
et que le sang des captifs coule sous les voiliers couchés
je me dresserai sur une haute vague
comme un chef qui se tient sur son balcon
et je crierai :
je suis seul, ô mon dieu



Mohamed al-Maghout, La joie n'est pas mon métier, Ed. Orphée La Différence