"A tous les visiteurs, si vous apportez avec vous votre mets favori, salé ou sucré, si vous savez chanter ou danser sans retenue avec la légèreté du vent printanier et de la rivière en automne,si vous n'affichez pas un air suffisant ou affligé,alors nous partagerons la plus grande joie"



Santoka




lundi 21 avril 2008

Aimé Césaire


l'oeuvre de l'homme

"Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme et la force n'est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l'audience comme la pénétrance d'une guêpe apocalyptique. Et la voix prononce que l'Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences,



car il n'est point vrai que l'oeuvre de l'homme est finie

que nous n'avons rien à faire au monde

que nous parasitons le monde

qu'il suffit que nous nous mettions au pas du monde



mais l'oeuvre de l'homme vient seulement de commencer

et il reste à l'homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur

et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l'intelligence, de la force



et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu'a fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite."





Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, Ed. Présence africaine

Au poète aimé




cette geôle noire
et ses barreaux couverts de neige
c'est la mienne



***



cerné
par la mort blanche
le vieux moricaud



***



il navre les missionnaires
ils lui disent Jourdain
il chante Zambèze !



***



voum rooh oh !
danse nue de l'enfant noir
sous la lune pâle



***



canne à sucre
l'enfant perdu sur une route
mâche ses racines



***



"l'odeur du nègre
ça fait pousser la canne"
... poing serré



***



tranquille
un mouton broute
son ombre



***



combien de draps anglais
ou de viande sâlée
pour ce jeune nègre ?



***



banc du tramway
un nègre (grand comme un pongo)
se fait tout petit



***



jour de houle -
dans mon verre l'alcool
qui remue



***



au bout du petit matin
la pirogue noire
sur le sable blanc
glisse



***



au dos de la lettre
son adresse :
Quartier Abandonné



***



le vieux nègre
est mort
hurrah !*



***



ce soir dans la nuit
un vieux chien noir
aboie
aboie
aboie



***



dans le grand trou noir
d'un lac
il pêche



***




* citation : "Et au milieu de tout celà je dis hurrah ! mon grand-père meurt, je dis hurrah ! la vieille négritude progressivement se cadavérise"



Aimé Césaire