"A tous les visiteurs, si vous apportez avec vous votre mets favori, salé ou sucré, si vous savez chanter ou danser sans retenue avec la légèreté du vent printanier et de la rivière en automne,si vous n'affichez pas un air suffisant ou affligé,alors nous partagerons la plus grande joie"



Santoka




mardi 31 mai 2011

soirs d'été

*






première soirée d'été
l'enfant raconte
le Planétarium







*






jour de pluie
le bébé n'en finit plus
de pleurer






*






il éclate
avant l'orage du soir
le parfum des genêts






*






les effluves du resto
ne peuvent lutter contre -
parfum des genêts






*






vitre du bus -
une coccinelle escalade
la montagne






*






après le bain
la peau de bébé -
vient le temps des pivoines






*






si perdu, si perdu
le bébé
au réveil






*






lourde solitude -
une nuit d'été
après la fête






*






plier en silence
une grue en papier -
pensées pour marraine






*

vendredi 27 mai 2011

jours de deuil








*







"c'est fini."
dans une nuit sans étoiles
ses sanglots







*







jours de deuil.
une ride de plus
sur mon visage







*







après cent mariages
la famille réunie
pour les premières obsèques







*







jours de deuil.
comme il vibre
le rouge des géraniums!







*


dimanche 22 mai 2011

Pour Eliane

Lettre morte


Ma chère marraine,


Je prends la plume

celle du paille-en-queue longue et blanche et trempée à l'encre bleue du ciel

pour t'écrire cette lettre

sur un papier doux bien doux comme la feuille de sauge


et te dire que je pense à toi

tu tries avec tes mains tachetées les grains noirs dans le riz blanc

tu écosses une après-midi verte humide et indolente

tu t'affaires dans un parfum du boucané bringelle ou de brèdes chouchou

tes mots la saveur des bichiques

tu ensoleilles les assiettes dépareillées et les jours de la nappe

tu couds les journées de paroles

tu marches, fière comme un piton de neiges éternelles

tu laves les soirées torrides dans l'eau fraîche de l'évier

toutes ces choses que tu fais

avec la force des vieux banyan

la largesse des bougainvilliers

et la douceur des fougères.

cela fait bien longtemps

si longtemps si douloureusement longtemps

le temps a saigné goutte à goutte

l'huile des géraniums puisé

à l'alambic de ma mémoire

mes souvenirs tout condensés dans le liquide trouble

dont il reste si peu mais qui parfume l'âme


que je n'ai pas pris de tes nouvelles

ton île ? ton pays ? ton quartier ? le marché ?

ta case ? ton jardin ? ta cuisine ? tes fleurs ?

tes amies ? ton mari ? tes enfants et les leurs ?

tes membres endoloris ? tes artères ? ton cœur ?

tes rêves ? tes envies ? tes plaisirs ? tes peurs ?


ici tout va bien

réveil métro boulot bouchons parking travaux béton bouffe apéros …

mais aussi les milles visages d'un trésor nouveau-né

et la première, qui est maintenant si belle et si sérieuse

et les mains chaudes de celle qui sèche mes larmes


et toi comment vas-tu ?

on m'a dit le ver qui ronge le traitement l'espoir ...

oh ce poids sur ma gorge quand on m'a dit ta peine

oh pas toi ma fière ma grande ma bienaimée marraine

cette douleur en toi, je l'aspire et la crache comme un venin !

oh non marraine dis moi dis moi que tout va bien

quel temps fait-il là bas ?

des nuées grises un ciel de cendre des terres brûlées un monde noir

la rage révoltée des cyclones de mars

ou les alizés bleus à plein poumons

et la tiédeur des plages de filaos ?


pries tu chaque jour les rouges autels de Saint Expedit

ou trouves tu la paix dans la fraiche blancheur des églises de Marie ?


j'espère te revoir bientôt

je sais que je ne te reverrai jamais


je pense fort à toi

telle que tu étais alors quand moi j'étais enfant

l'indestructible rire

la salangane

le riz étincelant

je t'embrasse

le même baiser débordant de tendresse que celui que tu fis au bébé que je fus


ton neveu

ton fils, ton père, ton mari,

l'amputé, l'orphelin, le sans-abri

celui qui t'aime, celui qui saigne, celui qui pleure

nous,

le dernier homme

l'astronaute à la dérive

dans le grand rien glacial et terrifiant

de la fin.

Vincent.

Les premières feuilles

Les premières feuilles tombent

elle a perdu, me dit-on

encore quelques cheveux.

Je n'aurais plus jamais honte

de parler des choses qui comptent.

vieux banyan



*






"oté ou lé mèg, don !"
disait en servant le cari
ma tante malade







*







son grand sourire
les milles choses qu'elle raconte
ma tante malade







*







après cent mariages
la famille réunie
pour les premières obsèques







*







aube claire sur ma maison -
quand l'air froid du soir souffle
sur leur vieux banyan






*


vendredi 20 mai 2011

*






strass et paillettes
dans les feuilles du chêne
le soleil et la brise







*

tanka

Juste ce qu'il faut
de brise et de soleil
dans les blés verts.
Si je meurs maintenant
je meurs heureux.

L'empereur

parfois la brise écarte des rideaux de chaleur



le soleil filtre par les volets des frondaisons où jaillissent des piécettes d'or



les nuages ont des noms d'empereurs romains
- pansus joufflus -
l'un d'eux s'est allongé dans les blés verts pour y faire la méridienne



une bête ailée file vrombissante au dessus de mon front
bourdon doré j'imagine
ou scarabée de jade
s'en allant enrichir encore
l'herbe ou le bouton d'or



et puis revient le silence des oiseaux
dans l'arbre centicéphale
dont l' ombre triomphante déploie sur moi ses ailes fraîches
et sur ma peau je sens ses caresses sinoples



dans tout ce luxe sans honte je me roule
l'herbe sèche me fait une couronne d'or



à l'axis mundi me voici parvenu
car en définitive
il n'est rien d'autre que ce chêne



à ses pieds je dépose
mes nerfs d'acier
et cette armure de chairs ankylosées



ici je rends les armes
et je m'avoue vaincu
plus riche que les rois
plus léger que les nues




je ne possède rien

le monde m'appartient

samedi 14 mai 2011

haïku de mai

*







coeur gros -
un nuage plein comme une outre
finit par craquer







*







l'orage est passé
un pigeon s'ébroue -
allez!








*







l'orage est passé -
le triomphe bleu
des iris







*







lendemain d'orage -
dans l'air chaud de midi
les orties prospèrent







*







monde flottant ~
les blés verts
sont bleu-gris







*







le moineau
dans le centre commercial
qui l'écoute ?







*







et soudain
je réalise qu'elle est là
la première cigale







*









vincent

mercredi 11 mai 2011

Jasmin

Mois des fleurs : le jasmin

Aujourd'hui la fleur de jasmin, celle qui parfume les nuits ...








*







Sundown
warm loving breeze
jasmines

Kaori Maruyama, Kagoshima








*








Summer breeze
lazes with fragrant jasmines
footstool dreams

Rebba Singh, Inde








*








getting dark
by blooming jasmine
i leave my shadow

Magdalena Banaskiewicz, Pologne








*








Jasmine night
composing haïku
with fragrance

Satoru Kanematsu








*








Jasmine night
a cat's love call fades
in fragrance

Satoru Kanematsu








*








J'ouvre la fenêtre ~
pendant la nuit
Un jasmin a fleuri

Mihaela B. Amalanci








*








Evening walk ...
Slowing steps
in the scent of jasmine

Martina-Sylvia Khamphasith








*





Le jasmin de la nuit

Le jasmin de la nuit.



Alors s'ouvrent les fleurs de la nuit,

À l'heure où je songe aux êtres chers.

L'on voit voler près des viornes

Les papillons crépusculaires.

Enfin les voix criardes se sont tues :

Là-bas seulette une maison chuchote.

Sous des ailes dorment les nids,

Comme les yeux sous des paupières.

De tous les calices ouverts s'exhale

Un arôme de fraises empourprées.

Dans la salle brille une lampe.

L'herbe croît au-dessus des fosses.

Voici qu'une abeille attardée bourdonne,

Trouvant son alvéole déjà prise.

Mère Poule par l'aire bleue

Court dans un pépiement d'étoiles.

Tout le temps que dure la nuit s'exhale

Cet arôme qui monte au gré du vent.

Dans l'escalier monte la lampe,

Brille à l'étage : elle s'éteint...

C'est l'aube : les pétales se referment,

Un peu fripés : cependant que s'apprête,

Dans le secret de l'urne humide,

Je ne sais quel grand bonheur neuf.


Giovanni Pascoli (San Mauro di Romagna, 1855 – Bologne, 1912), Le jasmin de la nuit, Il gelsomino notturno in Poesie, tome I.

mardi 10 mai 2011

pêchers en fleurs


Les pêchers en fleurs - Homer Winslow

pêchers en fleurs

seule sous la pluie
les pétales de pêchers cèdent
un à un

Danièle Duteil







*







main dans la main
premiers pas du petit-fils
fleurs de pêchers

Doc Sunday






*






Keep straight down this block
Then turn right where you will find
A peach tree blooming
Tout droit sur ce pâté de maison
Puis prenez à droite où vous trouverez
Un pêcher en fleurs

Richard Wright







*






Même son cheval
tend le nez pour les sentir,
les fleurs de pêchers!

Nobuko







*






le batelier
a l'oreille dure
comment lui parler des fleurs de pêcher ?

Shikô

*






Au cœur de l'orage
le jeune pêcher en fleurs
danse

Claire Landais







*






Il n'y a personne
Pourtant les portes sont ouvertes ...
Fleurs de pêchers

Chiyo-ni







*








Village d'enfance
des cousins en pagaille
Les fleurs de pêchers

Shiki







*






jour de pluie !
loin de la capitale
ma maison parmi les pêchers

Buson







*






Sorti de la maison
j'oublie les poupées
souvenirs dans les fleurs de pêchers

Ensui







*







l'amour dure-t-il ...
un pétale de pêcher
chute

isabel Asunsolo





*






Des fleurs qui inspire donc la nostalgie et pour lesquelles on est prêt à faire de longs voyages. Des fleurs dont la splendeur n'a d'égale que la fragilité.

quelques haïku

*







un silence profond -
le bras qui berçait l'enfant
endormi lui aussi







*







les dimanches de printemps
maman perdait la tête
dans les hortensias







*







parmi les insectes
sous les hautes herbes
sans souci







*







une syrphe
jette un œil
à mon sandwich








*







un insecte vert
remonte le fleuve
de ma veine bleue







*

vincent Hoarau

lundi 9 mai 2011

Mois des fleurs : le magnolia


Hokusai - Passereau de Java sur un magnolia

magnolias

Aujourd'hui la fleur de magnolia, pour moi la reine des fleurs, dont la floraison foisonnante fait oublier tout le reste

*








Comme si elle était mon âme
Elle s'épanouit, la fleur de magnolia
Je me sens mieux

K. Bôsha








*








ô magnolias blancs
pour mieux cacher la maison
d'une jeune fille!

Fumio








*







Dans la touffeur verte
une fleur de magnolia
en pleine floraison

Ryôkan








*








on n'entend plus
les voisins qui s'engueulent
magnolias en fleurs

Bill Bilquin








*








Les magnolias blancs
se moquent du vent
et tombent d'eux mêmes

Mme Teijo Nakamura








*








Du matin au soir
me faisant un toit au-dessus des yeux
le magnolia aussi a fleuri

Issa








*








One magnolia
Landed upon another
In the dew-wet grass

Richard Wright








*








magnolia buds
tell me, what breaks
your soul open

Nora Wood








*








le magnolia
qui m'a amené ici
tombe

the magnolias
that brought me here
falling

Rob Scott








*








dernier regard -
je referme la porte
sur le magnolia en fleurs

Damien Gabriels








*








old man - he
grows magnolias
in secret

vieil homme - il
fait pousser des magnolias
en secret

John Martone








*








at dusk
the magnolia flowers
slightly pinker

au crépuscule
les fleurs de magnolias
légèrement plus roses

Dana-Maria Onica








*









mes magnolias

*







ciel très bleu
le magnolia
hésite encore








*








premier jogging
sous le magnolia en fleurs
ralentir








*









je me tais
le soleil sur concentre
magnolia en fleurs








*








tête lourde
sur moi se penche
le magnolia blanc








*








il pleut
les fleurs de magnolia
tirent la langue








*








un reste de pluie
sur les pétales de magnolias -
ses yeux rougis








*








magnolias en fleurs -
pourrais-je
ne pas écrire ?








*








rosé du soir -
ma femme prend la couleur
du magnolia en fleurs








*








aimais-je tant
les magnolias en fleurs
avant elle ?








*









fleurs de magnolia
et déjà les jeunes feuilles
qui s'en mêlent








*








sous un magnolia en fleurs
je coucherai ma tête
sur la fin









*
vincent Hoarau

dimanche 8 mai 2011

Camélias


la Dame aux Camélias - Alphons Mucha

Camélias

la Dame aux Camélias - Alphons Mucha

le mois des fleurs : camélias

Aujourd'hui les camélias, ces fleurs qui semblent faites pour tomber dans la nuit et continuer à vivre ...







Dans les ténèbres
du vieux puits s'abîme
la fleur de camélia


Un camélia tombe
dans l'obscurité
du vieux puits


elle tombe
la fleur de camélia
au plus noir du vieux puits

Buson







*







plop! plop! l'une après l'autre tombent
les fleurs de camélia
lune voilée

Dansui







*







Sur mon chapeau de jonc
plop!
c'était un camélia

Santoka







*







Un camélia
tomba, tuant
un taon

Sôseki







*







dans sa chute
elle a capturé un ver
fleur de camélia

Sôseki







*







Camélias qui tombent -
si j'en étais un
je me jetterais dans le torrent

Takaha Shugyo







*







il hume un camélia
le jète, reprend sa marche
le mendiant

Takeji







*







un seul bruit
au clair de lune
la chute des camélias blancs

T. Rankô







*







les camélias tombent
pour renaître à la lumière
dans un autre monde ...

Gen







*






le camélia rouge
capture le soleil
même à terre

Mme Setsuko Nozawa







*







Les camélias tombés
croient encore être de ce monde
et s'épanouissent

Mme Nanako Washitani







*







je fixe
les camélias tombés
que j'admirais

Mme Miyoko Hashimoto







*







le courant
vers un lieu inconnu -
chute des camélias

Murasaki Sagano







*

samedi 7 mai 2011

Lilac Wine

http://www.youtube.com/watch?v=hIEHyK7fqfk




I lost myself on a cool damp night
I gave myself in that misty light
Was hypnotized by a strange delight
Under a lilac tree
I made wine from the lilac tree
Put my heart in its recipe
It makes me see what I want to see (may be better to say "What I wanted to see"
and be what I want to be
When I think more than I want to think
I do things I never should do
I drink much more than I ought to drink
Because it brings me back you...

Lilac wine is sweet and heady, like my love
Lilac wine, I feel unsteady, like my love
Listen to me... I cannot see clearly
Isn't that she coming to me nearly here? (is coming)
Lilac wine is sweet and heady, where's my love?
Lilac wine, I feel unsteady, where's my love?
Listen to me, why is everything so hazy?
Isn't that she, or am I just going crazy, dear?
Lilac Wine, I feel unready for my love,
feel unready for my love.

Originally performed by Elkie Brooks, but actually inspired to the version sung by Nina Simone

lilas

Edmund Blair Leighton - lilac

les lilas

Aujourd'hui les lilas, fleurs du matin aux lourds parfums humides.







ouvrant les volets
le bruit du jour et l'odeur
du lilas

André Cayrel








cinq heures du mat'
remontant l'avenue déserte
le parfum du lilas

Vincent Hoarau








La vie s'est emballée
Des jours de soleil
Au parfum de lilas ...

Nanikooo Tsu








Grand nettoyage
ça sent le lilas, dit elle
C'est l'Ajax liquide

Jean Antonini








est-ce du lilas ?
petite brise
oui ... c'est du lilas

Jeanine Saint-Amand








Respirant les lilas
Il n'écoute plus
La conversation

Gilles Brulet








soudain le vent
me pique l'odeur des lilas
sous le nez

Klaus-Dieter Wirth








du fond du jardin
sur la tombe de nos chiens
le lilas en fleurs

Jean Féron








jour de pluie
les lilas blancs
encore plus lourds

Gérard Dumon








en K-Way mauve
la petite fille se précipite
sous le lilas mauve

isabel Asunsolo








ciel de pluie -
à la noirceur des nuages
le blanc des lilas

Lydia Padellec








elles dégouttent
lentement de ciel liquide
les fleurs de lilas

Niji Fuyuno








Haut lilas coupé -
quelques gouttes d'eau humectent
mon front, ma bouche

Véronique Dutreix








tombée de la nuit
ne restent que la lune
et l'odeur des lilas

France Cayouette






vendredi 6 mai 2011

fleurs de prunier

Wang Xiaojin


Le mois des fleurs commence, célébrons aujourd'hui les fleurs de prunier, paisibles filles de la lune ...









Parfum de prunier
Le soleil soudain se lève
Sentiers de montagne

Bashô







Dans le prunier blanc
désormais
poindra l'aube

Buson







Matin de brume
Les fleurs blanches de prunier
N'en finissent pas de creuser

Thierry Cazals







une main
écarte le rideau -
pruniers en fleurs

neko







Ah! fleurs blanche de prunier!
on s'évanouit
dans la bibliothèque

Niji Fuyuno







à celui qui la brise
le parfum
de la branche de prunier

Chiyo-ni







Que n'ai-je un pinceau
qui puisse peindre les fleurs de prunier
avec leur parfum

Shôha







Vide est
le parfum des choses ...
la lune au-dessus des fleurs de prunier

Sohoku







Aux pruniers fleuris
L'on en vient à regretter
De s'être irrité

Rosen







Prunier blanc
Dans la maison de thé
Un lutteur de Sumo

Buson







Dans la fiole de médicament
Une branche
Du prunier en fleur

Shiki







Aux fleurs de prunier
je parsème de sardines
la tombe de mon chat

Issa






quand les pruniers
fleurissent,
il gèle en enfer

Issa







Rêveries
d'amours perdues -
pétales de prunier

Dana-Maria Onica







Si au printemps
le prunier ne fleurissait qu'en mon logis
celui qui m'a quitté viendrait l'admirer

Izumi Shikibu, Poèmes de cour







Pruniers à fleurs rouges
Je trouve ma vieillesse horrible
dans le miroir à main

Hiryoshi Tagawa







Est-ce le parfum
qui monte des pruniers
le halo de la lune

Buson







it is getting
a bit like spring
moon and plum

Anja Mastilovic







Les fleurs de prunier
la lune
invite à les voler

Issa







un néon allume
dans les branches enneigées
des fleurs de prunier !

Vincent Hoarau







toute nuit désormais
tombera
du prunier blanc



Dans les pruniers blancs
la nuit s'éclaircit
cela seul demeure

"jisei" de Buson


Kaii Higashlyama

Patience

A demeurer face à la colline, les semelles de ses chaussures se couvrent d'herbes et de boue. Les longues heures y feront pousser des racines. Derrière lui les arbres l'encouragent. Il y a dans leur feuillage des rires tendres. Ils lui murmurent la patience. Il ferme les yeux et sent déjà les frissons dans les boucles de ses cheveux. Déjà il lui semble que les insectes s'approchent. Il y aura, à l'endroit où cligne sa paupière, un nœud de bois. Et le soupir d'aise qu'il pousse en se relâchant se prolongera dans le vent.

comme si de rien

"une fillette de 9 ans s'est défenestrée ..."

une fillette
9 ans
défenestrée


la Terre
ainsi heurtée
s'est elle seulement
arrêtée de tourner ?

non
la Terre
a continué
comme si de rien

le choc
de son petit corps
a-t-il retenti
sur toute la surface globe ?

non
le monde est resté sourd
et muet
et bavard
comme si de rien

les larmes
de ses parents
ont elles englouti
toutes les cités ?

non
la mer a continué
de respirer
comme si de rien

ses paupières
en se fermant
ont elles enténébré le monde à jamais ?

non
le jour a osé
se relever
comme si de rien


une fillette
9 ans
défenestrée ...


et toi que faisais-tu en cette seconde-là ?
comment sa détresse n'a-t-elle pas secoué ton misérable petit corps indifférent ?
que faisaient donc tes mains au lieu de sécher ses larmes ?
et quels mots vides et vains prononçais tu alors ?

rien
rien d'utile
rien de bon

et désormais tu hais ce monde
ce monde
ce monde qui jète les fillettes
par les fenêtres
ce monde qui jète des fillettes par les fenêtres
et puis continue
de tourner
de se tourner
comme si de rien

Vincent Hoarau