"A tous les visiteurs, si vous apportez avec vous votre mets favori, salé ou sucré, si vous savez chanter ou danser sans retenue avec la légèreté du vent printanier et de la rivière en automne,si vous n'affichez pas un air suffisant ou affligé,alors nous partagerons la plus grande joie"



Santoka




jeudi 23 juin 2011

imagine (ébauche)

imagine un peu

le soleil est un verre de whisky posé sur la vitre du ciel
qui brûle à l'automne les entrailles de ta constellation
en hiver c'est une pastille au citron
une braise
au printemps l' oeil d'un geai
tache d'huile en été

tu vois ?
il suffit de

la Terre c'est une bulle de savon
parce que les continents glissent à sa surface comme des arcs-en-ciel
une bulle de savon
qu'une épine suffirait à ... plop ! tu vois


et pour tout le reste, c'est pareil :

le noyau de la terre est vert
d'où l'herbe

les océans sont des poumons
les fleuves des poulpes
les forêts la pluie
les routes des rêts
les chemins des trouées

les villes des croûtes séchées les mauvais jours
des papillotes les belles nuits

les villages des bateaux ancrés dans leur terroir

les maisons des coquilles
ou des fleurs c'est selon

le ramage des boîtes de nuit comme l'oiseau de paradis
et pour les jours de bureau on porte le costard corbeau

les voitures des oriflammes
ou des oripeaux

les cartes bleues des glaives
les rouge-à-lèvres amanites,
les enveloppes papillons, ...
(...)


et caetera jusqu'aux fourmis
qui sont gouttes de sang les jours de solitude
et des locomotives les jours d'espérance


tu vois ?
il suffit de
tu as le droit
tout est à toi


















*

Buvant seul sous la lune

Au milieu des fleurs, un pichet de vin
Buvant seul sans l'aide d'amis
Levant ma coupe, invitant la lune brillante
Mon ombre fait face et nous voilà trois
La lune, finalement, ne sait pas boire
L'ombre suit en vain mon corps
Compagne d'un instant la lune soutient l'ombre
S'amuser un moment, profitant du printemps
Je chante, la lune erre ça et là
Je danse, l'ombre s'élève au chant final
Un moment dégrisé, ensemble, nous nous réjouissons
Après l'ivresse, chacun se quitte et se disperse
Unis perpétuellement, faisant route sans amour
Convenons ensemble d'une retrouvaille, lointaine Voie lactée

Li Po, L'Exilé du Ciel

si tu as besoin de neige ...

si tu as besoin de neige
au printemps
ouvre un livre

si tu as besoin de printemps
au printemps
ouvre la fenêtre

Yvon Le Men








*









Matin du nouvel an
l'an passé brûle encore
dans le poêle

Hino Sôjô









*









fleur de mûrier
d'un rose
si gris

genêt presque trop jaune

Yvon Le Men









*









Deux bouteilles vertes
Qu'attire le centre de la terre
Et que retient la lumière

Guillevic









*









une mare s'est formée devant la fenêtre
une mésange s'y baigne
comme si cet instant était là depuis toujours


Yvon Le Men










*










à la fenêtre
de la bibliothèque
l'oeil rond des pigeons








*








dans le grincement régulier
du berceau
le soleil se couche








*








par un soir d'été
le bébé lâche un soupir
un nuage bleu







*








au grincement du berceau
répondent dans le soir
les hirondelles

vincent Hoarau








*

du vin et du richepin

Ouf ! j’ai soif comme si je mâchais de la laine…
Allons ! donne l’avoine à mon gosier fourbu.
Du vin ! nous faut du vin ! Je veux que mon haleine
Suffise pour soûler ceux qui n’auront pas bu.

Je veux qu’en me voyant le Panthéon recule,
Craignant d’être écrasé par mon choc, et je veux
Faire ce soir le jour après le crépuscule,
Grâce au soleil dont les rayons sont mes cheveux.

Tiens ! Prenons l’omnibus, tout couvert de gens ternes
Qui par mon flamboiement vont être illuminés.
Le vieux cocher, prenant mes yeux pour ses lanternes,
Allumera sa pipe aux braises de mon nez..

De l’Odéon pensif aux tristes Batignolles
Nous irons. Telle va la comète qui luit !
Chez le mastroquet gras qui vend des attignoles
Nous boirons du vin doux qui fait pisser la nuit.

Nous pisserons, très beaux, très heureux et très dignes,
Nous appuyant du front au mur éclaboussé,
Et les Batignollais verront un jour des vignes
Fleurir du mur où nous aurons pissé.
.
.
Jean Richepin, Chanson des Gueux

colère noire (tanka)


*




Dans l'air chaud du soir
accumulés tout le jour
les pleurs du bébé -
le ciel aussi libère
une colère noire.




*

Marine

(Ivan Constantinovich Aivazovski)

*

L’océan sonore

Palpite sous l’œil

De la lune en deuil

Et palpite encore,


Tandis qu’un éclair

Brutal et sinistre

Fend le ciel de bistre

D’un long zigzag clair,


Et que chaque lame

En bonds convulsifs

Le long des récifs

Va, vient, luit et clame,


Et qu’au firmament,

Où l’ouragan erre,

Rugit le tonnerre

Formidablement.


Marine, Paul Verlaine, Poèmes saturniens