"A tous les visiteurs, si vous apportez avec vous votre mets favori, salé ou sucré, si vous savez chanter ou danser sans retenue avec la légèreté du vent printanier et de la rivière en automne,si vous n'affichez pas un air suffisant ou affligé,alors nous partagerons la plus grande joie"



Santoka




lundi 27 juin 2011

En prison


Chen Hongqing

En prison

En prison
les nuages prennent de l'importance
et les oiseaux

In prison
the clouds become important
and the birds

Dennis Brutus








*







Quittant la prison
personne au portail
le rossignol

Leaving jail
nobody at the gate
nightingale

Hidehito Yasui







*







les barbelés sont hauts
les lumières des baraquements
s'éteignent, une à une

The wire fence is tall
the lights in the prison barracks
flick off, one by one

Etheridge Knight








*







La tour de garde est
brille dans le couchant; les détenus
comme des lézards sur les rochers

Easter guard tower
glints in sunset ; convicts rest
like lizards on rocks

Etheridge Knight









*








Dans mes vêtements de prison
aux manches trop courtes
j'ai l'air innocent

In my prisonner clothes
with their too short sleeves
I look innocent

Hashimoto Mudô







*







Emergeant de sa prison
leur dragon notre papillon
Si large son sourire

Emerging from jail
Their dragon our butterfly
His smile is so huge

Kalamu Ya Salaam, à propos de Nelson Mandela







*







cette geôle noire
avec ses barreaux couverts de neige
c'est la mienne

this black jail
with its snow-covered barrels
it is mine

Vincent Hoarau (d'après un poème d'Aimé Césaire)







*







de ma geôle
les cerisiers
en fleurs

from my jail
the cherry tree
in bloom

Santoka







*

Rue Jean Dolent

Rue Jean Dolent par un beau soir de printemps

alors que dans le ciel pu le chiffon du crépuscule

frotte l'étain d'une lune presque pleine

les fenêtres des cellules sont éclairées

au dernier étage de la prison de la Santé

et les cris des martinets attisent peut être

(mais je le pense sans être à leur place)

le douloureux attrait du dehors chez les prisonniers

et d'un façon sans doute bien plus lancinante

qu'une télévision puisque de le bouillie sonore

s'échappe aussi d'une autre cellule plus basse.


La télévision propose une autre évasion

que la rugueuse réalité des martinets

mais c'est difficile à dire, à écrire,

ce que font peut être leurs cris stridents

quand la lumière s'allume dans la cellule

et que dehors il fait encore jour,

ces appels de tous les coins de l'espace

quand la distance qui ne peut être comblée

pointe le mauvais côté de la lorgnette

sur le point le plus aigu de la prison.


Les martinets mais tout aussi bien j'imagine,

une portière qui claque dans la rue,


le pensent-ils : « quelqu'un qui rentre chez soi »,


ou bien « quelqu'un qui sort et qui s'en va »,


le pensent-ils ? - du fond de leur cellule ?


Une portière qui claque dans la rue

ou encore des bruits de voix sur le trottoir

ou peut être des cris d'enfants qui passent

(rue Jean Dolent, il y a une école maternelle).

Ce doit être terrible, le dehors qui soudain cogne.

(...)


Jacques Lèbre, rue Jean Dolent, in Po&sie 122-123